Vous avez dit «Poésie érotique »?
J’y suis allée quasiment à reculons, à ce spectacle intitulé « Cultures Caraïbes », organisé par le CIDIHCA, ce dimanche 6 septembre 2009, à Montréal, et dans lequel on annonçait, entre autres choses, la « mise en lecture d’"Amours et Bagatelles", poésie et prose érotique avec Michèle Voltaire Marcelin ».
L’affiche, quoique fort intéressante (projection du film « Maestro Issa », de Frantz Voltaire; Haitian Jazz avec le guitariste Harold Faustin et la chanteuse Samina; le saxophoniste Buyu Ambroise, venu exprès de New York), m’inspirait une certaine réticence à cause de cette « mise en lecture » justement. N’étant pas friande de poésie et encore moins de lecture publique d’œuvres littéraires, fut-elle exécutée sur fond musical avec saxophone, batterie et guitare acoustique, je craignais de m’ennuyer.
Loin de là! J’en suis revenue non seulement enchantée, mais étonnée de constater que je pouvais me délecter de ce genre et de ce procédé littéraires sans voir le temps passer. Ce ne sont pas juste les mots et leur résonnance qui sont venus me chercher, mais toute la mise en scène et la façon artistique de les déclamer.
Drapée dans un beau décolleté noir, épaules complètement dénudées et avant-bras garnis de longs gants noirs, la belle Michèle nous a déversé, dans un décor de lumière tamisée et de musique douce, son flot d’émotions, de sensations, de confessions, de confidences, dans des mots qui accrochent, qui séduisent, qui envoûtent, qui font sourire et rêver. On aurait dit qu’elle nous jouait une scène d’amour torride. Une scène d’amour tout en métaphores, tout en mouvements gracieux, sans le moindre geste indécent, mais si convaincante que, la pénombre aidant, notre cerveau projetait devant nos yeux de voyeurs involontaires, des images de deux corps enlacés se livrant à des ébats passionnés. Des mots crus, parfois, sans fausse pudeur, sans détours, sans artifices superflus, sans vulgarité non plus. Des mots puissants, bien à propos, savamment appuyés et lancés au bon moment, sur un ton juste, ni trop aigu, ni trop brusque, ni trop bas, ni trop haut. Ils sont bien choisis et réussissent à nous transporter hors de la salle jusqu’à cette chambre où nous assistons pas à pas, le souffle suspendu, aux différentes étapes de l’acte, des préliminaires jusqu’à l’explosion finale. De l’érotisme à l’état pur. Percutant, efficace! C’est cela que Michèle Voltaire Marcelin nous a livré tout en sensualité, en féminité, en humour, en espièglerie, en… poésie. Si son recueil, “Amours et Bagatelles", dont les textes sont extraits, réussit à produire autant d’effet, quel plaisir ce sera de les lire et de les relire… seul(e) ou à deux!
Tandis que le trio de Buyu Ambroise nous fait patienter, l’auteure s’éclipse quelques minutes et revient dans une nouvelle tenue plus flamboyante. Robe rouge, fleur rouge à ses cheveux attachés, sandales rouges.
Elle déclame un texte en espagnol, dans un accent parfait, puis enchaîne avec la traduction française faite par Jean-Marie Bourjolly. Il s’agit des Secrets d’une danseuse de tango, de Graciela H. Lopez. Même intensité qu’auparavant, dans les émotions exprimées. Même plaisir à savourer cette mise en lecture qu’on aimerait voir s’éterniser. Hélas, c’est déjà fini.(……)
Les quelque deux cents personnes quittent la salle satisfaits et l’on se dit qu’il est dommage de ne pas avoir plus de spectacles culturels de ce genre dans notre communauté.
Myrtelle Devilmé
Article paru dans “Le Nouvelliste" et “Ticket Magazine" (Septembre 2009)
Michele Voltaire Marcelin
“Amours et Bagatelles"
Textes en prose et poésie publiés par les Editions Cidihca (2009)
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