J’ai trois amis très chers,
et dont la qualité n’est plus depuis longtemps
discutée par personne.
Depuis bientôt trente ans,
on ne s’est pas quittés.
Ils n’ont pas la radio,
n’ont pas le téléphone,
mais j’ai de leurs nouvelles
à peu près tous les jours.
Ils aiment raconter des histoires, et des bonnes.
Ils viennent me distraire un peu, chacun leur tour.
On m’a dit qu’Honoré me ressemblait un peu.
En un mot que j’avais la gueule balzacienne.
J’ai quelque fois rêvé que j’étais son neveu,
et la chère Eugénie, ma cousine germaine.
J’ai souhaité bien souvent les connaître un peu mieux.
Apprendre d’eux comment on devient admirable.
Déchiffrer peu à peu des secrets dans leurs yeux,
un soir, où par hasard, je serais à leurs tables.
Ce que j’aurais aimé, c’est aller chez Victor,
Place des Vosges au coin, je connais bien l’addresse.
Lui dire: Il fait soleil, viens faire un tour dehors.
Jean Valjean peut attendre, après tout, rien ne presse.
Nous aurions tous les deux arpenté pas à pas le boulevard Beaumarchais,
en songeant qu’Alexandre préparait pour ce soir un superbe repas,
et que ces choses là sont toujours bonnes à prendre.
Pour me venger un peu de l’époque où je vis,
j’ai pour meilleurs amis, ces trois grands mousquetaires.
Il est assez mal vu, de nos jours par ici,
d’avoir pour compagnons des gens qui sont sous terre.
Si le monde a raison , c’est bien doux d’avoir tort.
Et je sais, croyez-moi, ce qu’on appelle un homme.
Quand parmi les vivants, je n’aurai plus personne,
il me reste Honoré, Alexandre, et Victor.
Bernard Dimay
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