Dans l’oubli de mon corps
Et de tout ce qu’il touche
Je me souviens de vous.
Dans l’effort d’un palmier
Près des mers étrangères
Malgré tant de distances
Voici ce que je découvre
Tout ce qui faisait vous,
Et puis je vous oublie
Le plus fort que je peux
Je vous montre comment
Faire en moi pour mourir.
Et je ferme les yeux
Pour vous voir revenir
Du plus loin de moi-même
Où vous avez failli
Solitaire, périr.
Jules Supervielle
Vous êtes un grand constructeur de ponts dans l’espace, écrivait Rilke à Supervielle. Ponts entre deux cultures – l’Uruguay et la France, ponts entre le monde des vivants et le monde des morts, ponts entre le réel et l’irréel… Jules Supervielle disait de lui-même qu’il était « né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort. » En 1884 Supervielle naît à Montévidéo, en Uruguay, de parents français. Cette même année, lors d’un voyage de sa famille en France, il perd ses parents à une semaine d’intervalle. Jules a huit mois. Il sera élevé en Uruguay par son oncle et sa tante qu’il croit être ses parents biologiques. A l’âge de neuf ans, le terrible secret de famille lui sera révélé de façon accidentelle et brutale. Il commence alors à copier des fables – le rêve et ses innombrables métamorphoses comme exorcisme de la réalité. La vie de Jules Supervielle sera rythmée par le va et vient de ses navigations entre la France et l’Uruguay, oscillation entre ses deux cultures. La mer, dit-il est son lieu. Il reconnaît avoir longtemps redouté la folie. Son travail poétique, qui sera salué par les plus grands noms de la littérature de son temps, sera un long cheminement pour s’éloigner des monstres obscurs tapis dans son inconscient.
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