“Je n’ai pas de gants ?… La belle affaire ! Il m’en restait un seul d’une très vieille paire ! — Lequel m’était d’ailleurs encor fort importun — Je l’ai laissé dans la figure de quelqu’un….”
Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances.
Je ne sortirais pas avec, par négligence,
Un affront pas très bien lavé,
La conscience jaune encore de sommeil dans le coin de son oeil,
Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.
Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,
Empanaché d’indépendance et de franchise ;
Ce n’est pas une taille avantageuse,
C’est mon âme que je cambre ainsi qu’en un corset,
Et tout couvert d’exploits qu’en rubans je m’attache,
Retroussant mon esprit ainsi qu’une moustache,
Je fais, en traversant les groupes et les ronds,
Sonner les vérités comme des éperons.
Edmond Rostand
Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle. C’est quelque chose de voltigeant,d’excessif. Le panache, c’est l’esprit de la bravoure. Oui, c’est le courage dominant à ce point la situation – qu’il en trouve le mot. Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. C’est souvent, dans un sacrifice qu’on fait, une consolation d’attitude qu’on se donne. Un peu frivole peut-être, un peu théâtral sans doute, le panache n’est qu’une grâce ; mais cette grâce est si difficile à conserver jusque devant la mort, cette grâce suppose tant de force (l’esprit qui voltige n’est-il pas la plus belle victoire sur la carcasse qui tremble ?) que, tout de même, c’est une grâce que je nous souhaite…
Rostand
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