La première et unique fois que j’ai vu chanter Léo Ferré sur scène, j’avais dix-huit ans. Il interpretait Préface, ce texte magnifique sur la poésie, s’élançait, étouffait de colère, oubliait des bribes de texte que le public indulgent et amoureux lui relançait….J’étais bouleversée par sa présence; subjuguée par ses mots. Mais je connaissais dejà Ferré. A treize ans, je m’étais offert l’album Amour Anarchie que j’écoutais en boucle jusqu’à en rayer toutes les chansons. Mauvaise élève, je délaissais mes devoirs, mais j’aurais pu réciter tout Ferré par coeur. Seule dans ma chambre, je le découvrais. Il ne chantait pas vraiment. Il scandait de longues litanies intenses et enflammées, vociférait une poésie étrange et fascinante à laquelle je ne comprenais rien parfois, mais que miraculeusement je ressentais. J’ai tout écouté, tout aimé: La vie d’artiste, Poète vos papiers!, La the nana, Petite, La mémoire et la mer, La solitude…
Plus tard, j’ai découvert ses autres chansons. Celles dans lesquelles il parlait d’amour, de mort, de dégoût de soi, de désenchantement… Mais c’est à la Graine d’ananar qui proclamait:
YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR ! et qui m’a dans la saison de mon adolescence révélé la poésie, que je dis Merci Léo!
michèle voltaire marcelin
Préface
« La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie. Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale, tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche.…… Nous vivons une époque épique et nous n’avons plus rien d’épique…. Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes. Ravel avait dans la tête, une tumeur qui lui suça d’un coup toute sa musique. Beethoven était sourd. Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok. Rutebeuf avait faim. Villon volait pour manger…..
Tout le monde s’en fout….
La Lumière ne se fait que sur les tombes…… »
Léo Ferré
“N’oubliez jamais, que ce qu’il y a d’encombrant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres!”